Le chanvre... guillotiné puis anobli !
Quel pourrait être le point commun entre une nouvelle collection de prêt à porter, des graines pour oiseaux, un bloc en béton de chaux, une huile traitant l’anxiété et un matériau isolant écologique ?
Une plante annuelle polyvalente dioïque à haute tige que l’on surnomme : le chanvre.
Il y a 8.000 ans de cela, cette plante était déjà exploitée par les empereurs chinois. Elle était consommée aussi bien par l’homme que par le bétail et servait déjà à fabriquer du textile et du papier. Au XXe siècle, les lobbies du coton, du nylon, du pétrole et de la pâte à papier à base de bois se servirent des vertus psychotropes de certains chanvres pour en interdire la culture au niveau mondial.
À ce jour, les variétés de chanvre autorisées à la culture sont déterminées juridiquement, tant au niveau européen qu’au niveau national. Ce cadre autorise la culture du chanvre dit « industriel » pour peu que sa teneur en THC (tetrahydrocannabinol) n’excède pas un seuil de 0,3 %, à compter du 1er janvier 2023, en vertu des règles de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC).
Rien ne se perd, tout se crée !
L’expression bien connue « tout est bon dans le cochon » a du mouron à se faire ! En effet, la devise « rien ne se perd, tout se crée » définit parfaitement la polyvalence du chanvre.
Voici quelques-unes de ses utilisations :
- Fibres textiles : ses fibres sont utilisées pour produire tissus, vêtements, cordages, papiers, cartons, etc. Elles sont résistantes, durables et biodégradables. Il faut d’ailleurs dix fois plus d’eau pour produire un kilo de coton que de chanvre !
- Alimentation : ses graines sont riches en protéines, en acides gras essentiels, en fibres et en vitamines. Leurs teneurs en Oméga 3 et 6 dans les proportions idéales pour les besoins humains sont unanimement reconnues. Elles peuvent servir à la production d’huile, d’aliments pour animaux, de compléments alimentaires, etc.
- Cosmétiques : les produits cosmétiques à base d’huile de chanvre sont réputés pour leurs propriétés hydratantes, apaisantes et régénérantes. On les retrouve dans les crèmes, les lotions, les baumes à lèvres, les shampooings, les savons, etc.
- Médecine : le chanvre est utilisé pour produire du cannabidiol (CBD), un composé doté de propriétés thérapeutiques capable de traiter l’anxiété, la douleur, l’inflammation, les troubles du sommeil, l’épilepsie, etc.
- Biocarburants : son huile peut également servir à la production de biocarburants.
- Horticulture : le chanvre est exploité comme plante ornementale, pour produire du compost, lutter contre l’érosion des sols, décontaminer les sols pollués, etc.
Le chanvre dans la construction
Matériau de construction écologique et durable, le chanvre permet une utilisation multiple, modulable selon les performances recherchées :
- Isolation acoustique et thermique : pour les murs, les toits, les sols, etc. Ces matériaux sains et performants sont naturels, résistants à l’humidité et à l’incendie.
- Matériau de construction : production de briques, de blocs et de dalles de construction.
- Enduits et peintures : permettent de réguler l’humidité et de renforcer les murs intérieurs ou extérieurs.
Retour en grâce
Suite à l’interdiction de cultiver du Cannabis Sativa contenant du THC, plus aucune parcelle de culture ne subsistait en Belgique. Or, cette plante peu énergivore n’appauvrit pas les sols, ne nécessite ni engrais, ni pesticides, ni irrigation. Un hectare de sa culture absorberait jusqu’à 15 tonnes de CO2…
En 2005, après avoir demandé les autorisations à la région wallonne, le vicomte (Benoit) Cossée de Maulde s’est lancé dans l’aventure. Bien que peu pris au sérieux, il sema une trentaine d’ares de chanvre. En 2012, neuf hectares étaient alloués à la cultivation exclusive de « Santhica 27 » qu’il destinait à la production de paille et d’isolant pour l’écoconstruction.
Quatre ans plus tard, le cultivateur mauldois confiait à la RTBF : « Il existe en fait deux voies de production pour le chanvre. Il y a d’abord la production de graines, ce qu’on appelle le Chènevis, ce qui permet d’en faire des huiles alimentaires ou des aliments humains ou à destination des animaux. Il y a ensuite la production de fibres à partir de la paille de chanvre, c’est-à-dire que la paille doit subir un traitement de défibrage qui permet de séparer l’écorce de la fibre. Avec cela on peut faire du textile, produire des panneaux d’isolation, …toute une série d’usages qui fait que rien ne se perd dans la plante ».
Aujourd’hui, le premier producteur mondial est la Chine qui, en 2019, cultivait près de 67.000 hectares de chanvre. L’Europe compte, quant à elle, près de 54.000 hectares de culture.
Du garage à l’envol
Il y a une décennie, Jean-Baptiste de Mahieu, ingénieur civil (UCL) et administrateur délégué d’IsoHemp, et Olivier Beghin se lancèrent dans la conception de produits composés de chanvre. À l’instar d’Apple, leur entreprise démarra dans un garage ! En 2021, la société, devenue leader dans la production de blocs de chanvre, investit cinq millions d’euros dans un nouveau site de deux hectares visant à atteindre une production annuelle de 5.000.000 de blocs de chanvre isolants. Plusieurs holding d’investissements, dont Cheniclem Private Equity, appartenant à la famille Jolly, soutinrent financièrement ce projet.
Cette plante est donc utilisable dans son intégralité et capable de couvrir nos besoins vitaux tout en nous protégeant des changements climatiques ! Malgré qu’elle fut l’une des premières à être exploitée en agriculture par nos ancêtres, il semble qu’elle mériterait bien le surnom de « plante du futur » !
Nous remercions le Comte Pierre-Alexandre de Lannoy pour la rédaction de cet article.