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06/01/2025

Monsieur Adriaan Jacobovits de Szeged, ancien ambassadeur, entre autre, en poste en Russie, Ukraine et Moldavie, était l’invité des Conférences des Midis Culturels.

Il avait choisi comme thème de sa conférence : "La situation politique en Russie aujourd’hui ". Retrouvons ici les grandes lignes de son développement. 

Adriaan Jacobovits de Szeged a débuté sa conférence en affirmant que, bien que la Russie soit en partie située en Europe, elle n’est pas occidentale. Il a cité son professeur russe à l’université de Leyde, qui disait que la Russie devait être perçue comme un monastère, avec sa propre religion et sa propre culture. Selon cette vision, les habitants de ce "monastère" sont convaincus que leur culture est supérieure à celle d’un Occident qu’ils jugent décadent. Ce "monastère" est protégé de son environnement hostile par une force armée.

L’orateur a souligné la résilience du peuple russe, sa patience — une qualité dont, selon eux, nous pourrions tirer des enseignements — et l’absence de la mentalité américaine « Si vous pouvez l’imaginer, vous pouvez le faire. » Pour les Russes, l’homme est soumis au destin, contre lequel il est inutile de lutter. L’influence de l’Église à travers les siècles a probablement joué un rôle à cet égard : Dieu décide, et il faut accepter son sort. L’individu se soumet à l’État, qui est vu comme seul capable de subvenir à ses besoins.

Bien sûr, ce sont là des généralités. Heureusement, il existe des exceptions individuelles.

Le régime actuel de la Russie, où le pouvoir est concentré entre les mains des services secrets dirigés par Poutine, est exceptionnel, même pour la Russie. Pendant l’ère soviétique, la police secrète était subordonnée au Parti.

L’organe le plus important en Russie est le Conseil de sécurité, composé de quatorze membres, sous la présidence de Poutine, où sont prises toutes les grandes décisions. Cet organe est majoritairement constitué de membres des services secrets, de l’armée et de la police. À titre de comparaison, dans le Politburo de l’ère soviétique, le chef du KGB n’était presque jamais membre. Le Conseil de sécurité est alimenté par l’administration présidentielle, le principal organe d’État, qui prépare les décisions dans tous les domaines. Les ministères, eux, exécutent ces décisions.

Adriaan Jacobovits a ensuite abordé la situation économique et sociale de la Russie : une croissance économique d’environ 3,6 %, principalement due aux énormes dépenses de l’État dans l’industrie militarisée, mais aussi en faveur de ses citoyens. Ainsi, un soldat combattant en Ukraine reçoit l’équivalent de 2.000 € par mois, un montant bien supérieur au salaire moyen. Dans de nombreuses régions, il peut également recevoir une prime pouvant atteindre 1.000 € s’il se porte volontaire. En cas de décès, sa famille touche environ 50.000 €, ou 30.000 € en cas de blessure grave. Ces compensations sont la principale motivation pour s’engager dans le conflit. Cependant, ces dépenses entraînent une inflation, actuellement autour de 8,6 %.

Le pétrole et le gaz demeurent les principales exportations. Si les exportations de pétrole continuent par des moyens détournés, Gazprom a enregistré pour la première fois depuis 1990 une perte, car les exportations vers l’Europe, son principal client, ont presque totalement cessé. Avant la guerre en Ukraine, l’Europe importait environ 175 milliards de mètres cubes de gaz par an, dont il ne reste qu’une fraction (environ 28 milliards) destinée à la Hongrie, à la Slovaquie et à l’Autriche. Poutine a ordonné la construction de gazoducs pour desservir le marché intérieur, mais cela prendra du temps. La Chine pourrait acheter 30 milliards de mètres cubes via un gazoduc cette année, ainsi que du gaz naturel liquéfié, mais les négociations sur un deuxième gazoduc sont au point mort, car la Chine refuse de payer les prix souhaités par la Russie.

Poutine prétend souvent que la Russie, avec sa taille, ses ressources et son peuple talentueux, peut se suffire à elle-même et n’a pas besoin du reste du monde. Cette mentalité, qui dépasse Poutine, condamne inévitablement la Russie à rester en retard. À une époque de développement technologique rapide, les échanges mondiaux sont essentiels pour rester compétitif.

Les autorités russes identifient deux grands problèmes : le déclin démographique et le manque de main-d’œuvre. Pour y remédier, elles accordent des aides financières aux familles nombreuses. Ceux qui ont trois enfants ou plus sont exemptés de service militaire. Une loi récente rend même la promotion du "sans-enfant" passible de sanctions. L’exode d’environ 800.000 Russes vers l’étranger et les pertes militaires aggravent cette pénurie de travailleurs.

Un autre problème majeur est l’exclusion de la Russie du système de paiements internationaux "Swift", rendant difficile le règlement des importations ou des exportations.

La Russie revient à ce qu’elle appelle des "valeurs traditionnelles", ce qui inclut l’opposition à l’avortement et à l’homosexualité. Dans les écoles primaires, les cours de "sciences familiales" sont obligatoires et prônent les valeurs traditionnelles : pourquoi fonder une famille, comment se comporter envers ses parents et grands-parents, etc. Des cours d’instruction militaire sont également dispensés, visant à former des "patriotes".

Sur le plan international, la Russie aspire à influencer les politiques mondiales et à maintenir une sphère d’influence à ses frontières, notamment dans ce qui était autrefois appelé "l’étranger proche", maintenant désigné comme "l’espace post-soviétique". Ce territoire inclut naturellement, selon Poutine, "ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ukraine", qu’il considère comme partie intégrante de la Russie. Poutine ne s’arrêtera pas tant que l’Ukraine ne deviendra pas, comme la Biélorussie, un "État uni" avec la Russie.

Cependant, comme l’a dit récemment un chercheur américain : "Les aspirations de la Russie ne correspondent pas à ses capacités."

Nous remercions Monsieur Adriaan Jacobovits de Szeged pour ce partage de réflexion.