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27/05/2025

Le Cinéma Belge

Notre compatriote Joseph Plateau, professeur en physique expérimentale à l'Université de Gand, a développé dès 1836 un dispositif stroboscopique, le phénakistiscope, apportant ainsi une contribution essentielle à l'invention du cinématographe par les frères Lumière en 1895, et donc à la naissance de l'industrie cinématographique. Le 1er mars 1896, la première projection cinématographique en Belgique a eu lieu dans une salle des Galeries Royales Saint-Hubert à Bruxelles.

Durant la première moitié du siècle dernier, le cinéma en Belgique est resté un terrain d'expérimentation pour les pionniers. Avec l'aide de l'industriel français Charles Pathé, Alfred Machin a fondé en 1910 un premier studio de cinéma. Hypolyte De Kempeneer devient le premier producteur de films et travaille notamment avec la première réalisatrice et actrice belge, Aimée Navarra. Son film Coeurs Belges s'inscrit dans une série de mélodrames patriotiques qui dominent la modeste industrie cinématographique belge après la Première Guerre mondiale. Un autre pionnier, le comte Robert de Wavrin de Villers-au-Tertre, ethnologue et explorateur, a vécu plusieurs années parmi les Indiens d'Amérique du Sud et a capturé des témoignages de diverses cultures sur pellicule. Ses films les plus connus sont Au Centre de l’Amérique du Sud inconnue (1924) et Au Pays du Scalp (1931).

Dans les années 1930, Charles Dekeukeleire, Henri Storck et Joris Ivens ont expérimenté de nouvelles techniques cinématographiques et fondé l'École belge du documentaire. Le documentaire Misère au Borinage de Storck et Ivens est considéré comme une œuvre marquante. De Witte (1934), adapté du roman d'Ernest Claes, devient le premier long-métrage de fiction populaire. Le réalisateur Jan Vanderheyden, avec Edith Kiel, réalise ensuite une série de comédies populaires avec des acteurs comme Gaston Berghmans, Jef Cassiers et Nand Buyl.

De l’après-guerre aux années 1980, le drame paysan devient un genre clé du cinéma belge. Parallèlement, certains cinéastes laissent leur empreinte personnelle et apportent à la Belgique une reconnaissance internationale : Roland Verhavert (Meeuwen sterven in de haven), André Delvaux (De man die zijn haar kort liet knippen, L’oeuvre au noir), Harry Kümel (Malpertuis) et Jacques Boigelot (Paix sur les champs). Leurs films deviennent plus contemporains, souvent empreints de réalisme magique ou même de surréalisme. Ces cinéastes participent également à la création des premières écoles de cinéma, formant une nouvelle génération de réalisateurs. Des talents comme Chantal Akerman ou Raoul Servais (Harpya, Palme d’or à Cannes) explorent le film expérimental et d’animation. Robbe De Hert, Guido Henderickx et Patrick Lebon développent à Anvers le Fugitive Cinema, tandis que Marion Hänsel, Jean-Jacques Andrien et Michel Khleifi apportent une vision plus universelle du cinéma.

Dans les années 1980, le cinéma belge devient plus personnel et réaliste. La professionnalisation du secteur sous la direction de Pierre Drouot et Erwin Provoost permet un développement économique structuré. Le cinéma d’auteur et les films populaires prospèrent. En 1987, Nicole Van Goethem remporte le premier Oscar belge du meilleur court-métrage d’animation avec Een Griekse Tragedie. Les succès et les échecs se succèdent, et le public découvre des films marquants tels que Brussels by Night de Marc Didden, Crazy Love de Dominique Deruddere, Toto le Héros et Le Huitième Jour de Jaco Van Dormael, ou encore C’est arrivé près de chez vous de Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux et André Bonzel.

Après 100 ans, l’industrie cinématographique belge gagne en dynamisme. Les frères Dardenne deviennent ses figures de proue, entourés de nombreux talents. Trop nombreux pour être tous cités, ils comptent parmi eux d’excellents acteurs, actrices, producteurs, compositeurs, chefs créatifs et artistiques, ainsi que des maîtres dans la photographie, le montage et le maquillage.

Aujourd’hui, le cinéma belge est devenu un produit d’exportation, au même titre que nos pralines, notre bière et notre chocolat. En décembre 2022, le magazine britannique Sight & Sound a désigné Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman comme le meilleur film de tous les temps. Bien que le cinéma belge ne rencontre pas encore un succès financier régulier à l’international, il attire une grande attention dans les festivals. Lukas Dhont (Close, Girl), Baloji (Augure) et Felix Van Groeningen (The Broken Circle Breakdown, De acht Bergen) suscitent de grandes attentes. Les récompenses pleuvent et les nominations aux Oscars se multiplient. Les frères Dardenne ont récemment reçu plusieurs prix à Cannes pour Jeunes Mères. De plus, le documentaire Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez a été nommé aux Oscars 2025 dans la catégorie du meilleur documentaire, et la coproduction belge Flow a remporté cette année le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film d’animation.

Faire un film coûte cher. En Europe, le cinéma est considéré comme un produit culturel et artistique, subventionné par les pouvoirs publics, contrairement aux États-Unis où l’industrie cinématographique repose sur un modèle économique basé sur le divertissement. En Belgique, chaque communauté a mis en place des fonds pour soutenir les productions locales, mais les budgets restent limités. En complément, le gouvernement a instauré le système de Tax Shelter, une mesure fiscale favorisant l’investissement privé.

Si la Kinepolis Group est mondialement connue, l’arrivée des plateformes de streaming a profondément changé l’expérience cinématographique. Les grands acteurs influencent de plus en plus les productions, dictant la rapidité et la rentabilité, tandis que les chaînes nationales peinent à suivre cette évolution.

Le cinéma est un art, une alchimie entre histoire, mise en scène, jeu d’acteur, photographie, mouvement, décors, costumes, musique, son et montage pour transformer l’ensemble en une expérience immersive et captivante. C’est une magie, un miroir des émotions et des désirs, un outil de réflexion, de découverte et de connexion entre les cultures, dont le monde a un besoin urgent et croissant.

Ces dernières années, de nombreux jeunes réalisateurs et quelques acteurs belges ont trouvé leur voie à l’étranger. Pour que nous puissions continuer à raconter nos propres histoires, préserver notre culture et ne pas perdre nos talents émergents, il est essentiel de développer de nouveaux moyens de financement.

Baron Stijn Coninx, réalisateur et scénariste (Daens, Hector, Koko, Flanel, When the Light Comes, Sœur Sourire, Marina, Niet Schieten…), a été professeur à l'INSAS et au RITCS pendant 28 ans et est actuellement vice-président de la Cinémathèque Royale de Belgique.

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