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04/11/2025

Ensemble, mettre fin au sans-abrisme.

Emilie Meessen, c’est l’énergie du cœur au service de ceux qu’on oublie trop souvent. Infirmière, co-fondatrice avec Sara Janssens de Bisthoven de l’ASBL Infirmiers de rue, nous avons pu la rencontrer.

Votre démarche est profondément humaine et utile. Comment est née votre idée ?

Infirmière de formation, j’ai toujours travaillé dans le social et en psychiatrie. J’ai ainsi eu l’opportunité de travailler et de créer des postes infirmiers dans différentes organisations pour les personnes sans-abri ou souffrant de problèmes de toxicomanie.

En 2005, avec Sara, nous avons réalisé une étude de terrain à Bruxelles pour voir s’il y avait besoin de créer un nouveau lien vers les personnes sans-abri et leur permettre de reprendre confiance en elles et regagner l’envie de se soigner. C’est ainsi qu’après avoir rencontré une trentaine d’associations et services médicaux, Infirmiers de rue (IDR) a pu naître.

L’idée a évolué au fur et à mesure des 20 ans. La méthodologie s’est affinée et professionnalisée. Notre vision s’est également élargie progressivement à la suite des réussites de terrain et de l’expérience avec les personnes sans abri.

Chaque collègue et bénévole a ajouté sa pierre à l’édifice et a permis à l’association de grandir.

Vous dites que les sans-abri doivent retrouver l’estime de soi, condition pour sortir de la rue. Comment vous y prenez-vous ?

L’association a développé une méthodologie basée sur l’hygiène et la santé afin d’aider les plus vulnérables à reprendre confiance en eux et à trouver un logement stable et durable, moteur de bien-être.

Nous avons trois équipes de terrain : Rue – Logement- MyWay.

La 1e travaille sur l’hygiène et la revalorisation de la personne pour l’estime de soi, pour la motiver à reprendre soin d’elle et l’aider à susciter le changement.

La 2e accompagne les personnes en logement avec la méthodologie « Housing First » pour leur réapprendre à se recréer de nouvelles habitudes et prendre soin d’elles.

La 3e, l’équipe MyWay, aide la personne à se reprojeter dans le futur. Elle est déjà stabilisée dans son logement, il est possible alors de créer de nouvelles envies.

Vous êtes aussi infirmière spécialisée en Santé communautaire. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le soin est plus qu’un acte, c’est un accompagnement. Pour nous, l’hygiène est devenu un outil diagnostique et thérapeutique : c’est un langage du corps quand les mots ne viennent plus. La solution ne vient jamais d’un seul acteur mais de la coopération entre citoyens, soignants, institutions et services publics. Je suis convaincue qu’une action collective est indispensable à des résultats durables.

Cela fait 20 ans maintenant que vous avez créé cette association majeure. Comment vous et votre équipe évoluez-vous à l’heure actuelle ?

Chaque jour, sur le terrain, je vois des raisons d’espérer, des équipes qui se mobilisent, des citoyens qui tendent la main, des collaborations improbables qui sauvent des vies. Ces « bonnes nouvelles », partagées régulièrement au sein de l’association, deviennent des sources d’énergie et de persévérance.

Cependant l’asbl Infirmiers de rue est régulièrement confrontée à des obstacles structurels, par exemple : la fragmentation des institutions (santé mentale/addiction/maladie chronique) qui complique la coordination et d’autre part la précarité des financements : le budget repose pour la moitié sur des subsides publics et pour moitié sur des dons privés. Or les premiers sont soumis aux choix politiques et au coupes budgétaires, tandis que les seconds dépendent de la communication autour de notre projet et de l’envie de chaque donateur de nous soutenir – cela crée un climat d’incertitude permanent. Et j’en profite donc pour remercier sincèrement l’ARNB de nous faire connaitre , ainsi que notre site internet (www.infirmiersderue.org) au travers cet article.

Notre travail n’a de sens que si tout le monde s’y met et participe à sa façon!

Le véritable enjeu, c’est d’accepter que la valeur d’une personne ne se mesure pas à sa productivité. Une société solidaire ne se demande pas si un individu est « rentable » mais comment il peut, à sa manière, contribuer et participer au vivre-ensemble.

Redoutez-vous l’arrivée de l’hiver, au vu du manque criant de places d’hébergement ?

Oui, car la vie à la rue abîme tout : les corps, les esprits, la dignité. Beaucoup de personnes finissent par perdre la sensibilité au froid, à la douleur ou même aux odeurs…ce qui est un mécanisme de survie.

Guérir en rue est impossible. Le logement fait partie du traitement. Nous parlons d’un logement adapté et accessible, dont la personne paye le loyer.

La fin du sans-abrisme est-elle possible ?

Bien sûr – nous avons la chance d’habiter en Belgique où il y a énormément de moyens et de possibilités, il ne manque « plus que » la motivation politique !

« Le courage est d’essayer » même si c’est plus compliqué que prévu !

Puissent ces quelques paroles prononcées avec détermination, conviction et optimisme être entendues !

Nous remercions la comtesse Emmanuel de Ribaucourt pour la réalisation de cette interview.