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28/01/2025

Du microscope au télescope

Interroger à ce sujet le baron Yves Jongen, ingénieur en électronique et en physique nucléaire, passionné d’astronomie et d’astrophotographie, fut une aubaine ! Se partageant entre Louvain-la-Neuve, le Vaucluse et le Chili où se situent ses télescopes, il a accepté de nous expliquer son parcours.

En tant qu’ingénieur en électronique et en physique nucléaire, vous avez, dès la fin de vos études (1970), dirigé à Louvain-la-Neuve, le centre de recherches du cyclotron. De quoi s’agit-il ?

Pour créer un point d’attraction sur le nouveau campus, l’UCL décide que le premier bâtiment sera le « centre de recherches du cyclotron ». Je termine à ce moment mes études avec un double diplôme : électronique et physique nucléaire, et je suis engagé par l’UCL comme responsable technique de ce nouveau centre de recherches

Comment en êtes-vous arrivé à redessiner le cyclotron pour l’adapter aux utilisations cliniques ?

Même si le centre de recherche du cyclotron de l’UCL était prévu au départ uniquement pour les recherches en physique nucléaire, les physiciens de l’UCL, menés par Pierre Macq ont partagé leur outil avec des chercheurs d’autres disciplines et, sous l’impulsion du Docteur André Wambersie, responsable de la radiothérapie aux cliniques universitaires Saint Luc, nous avons développé une nouvelle méthode de radiothérapie du cancer utilisant des faisceaux de neutrons.

En 1982 et 1983, j’ai effectué un séjour sabbatique au « Lawrence Berkeley National Laboratory ». Ce séjour a été pour moi l’occasion de réfléchir en profondeur à mon métier de développeur de cyclotrons. Il m’est apparu très clairement que nous arrivions à la fin de l’âge d’or du cyclotron utilisé comme outil de recherche en physique nucléaire. Il fallait donc repartir d’une feuille blanche, et reprendre à zéro le dessin du cyclotron. C’est la tâche à laquelle je me suis attelé à Berkeley d’abord, puis de retour à Louvain-la-Neuve avec mon équipe au centre de recherche du cyclotron. Avec l’équipe du CRC, nous dessinons un nouveau type de cyclotron pour la production de radioisotopes, dont les performances devraient être très supérieures à ce qui existait à l’époque. Mais aucun industriel belge n’est intéressé à construire et à commercialiser cette nouvelle machine. C’est alors que nait l’idée de fonder une société, qui sera un spin-off de l’université pour réaliser et commercialiser notre nouveau dessin de cyclotron. La société est fondée en mars 1986, et s’appellera Ion Beam Applications, ou IBA.

Que représente IBA aujourd’hui ?

IBA, aujourd’hui, c’est avant tout 2200 collaborateurs, dont un peu plus de 1000 à Louvain-la-Neuve et le reste un peu partout dans le monde. Le chiffre d’affaires annuel excède 400 M€. A côté des cyclotrons pour la production de radioisotopes médicaux, ou nous sommes toujours un des leaders mondiaux, IBA est aussi devenu le leader mondial dans les équipements pour la thérapie du cancer au moyen de faisceaux de protons : la protonthérapie. Cette méthode de traitement permet de mettre la dose de rayonnement dans la tumeur visée, en mettant beaucoup moins de rayonnement dans les tissus sains proches de la tumeur. De ce fait, les effets secondaires de la radiothérapie sont fortement réduits. Aujourd’hui, près de 150.000 patients ont été traité avec les équipements de protonthérapie d’IBA

Mais IBA n’est pas qu’une pépite technologique, c’est aussi une entreprise qui montre l’exemple par son rôle social dans le monde économique belge. Le premier actionnaire d’IBA est une société holding coopérative des employés et cadres de la société. IBA a été la première société cotée belge a gagner le prestigieux label de « B Corporation » qui reconnait les sociétés les plus avancées dans le domaine du rôle social des entreprises.

Le cosmos et les galaxies lointaines ont aussi capté et captivé votre regard et vos recherches. Comment étudiez-vous le ciel et comment le photographiez-vous ? 

Je suis arrivé à l’astronomie un peu par hasard, mais c’est devenu une réelle passion pour moi. Je me suis installé un observatoire astronomique en Provence, avec un beau télescope que je peux programmer à distance, sur internet. Et puis, il y a presque 6 ans, je me suis installé un second télescope au sommet d’une montagne au Chili, dans une « ferme à télescopes » créée par deux français. Ce deuxième télescope au Chili, je le programme aussi à distance par internet. Durant des années, j’ai fait de l’astrophotographie, pour montrer les couleurs extraordinaires des nébuleuses et des galaxies lointaines. Et puis, ma vocation de physicien a pris le dessus, et je suis passé à l’astrophysique. Depuis plusieurs années, j’étudie les exoplanètes, c’est-à-dire les planètes qui tournent autour d’autres étoiles que notre soleil, et je mesure avec précision le moment où elles passent devant leur étoile, ce qui permet d’étudier précisément leur orbite et permet parfois de détecter la présence d’autres planètes, pas encore observées, autour de cette étoile.

Conclusion : Certains d’entre nous parlent encore de la théorie de la relativité d’Einstein. Mais pour moi, ce n’est pas une théorie, c’est une réalité de ma vie quotidienne ! Si nous ne tenons pas compte précisément des effets relativistes dans nos calculs d’astrophysique, les résultats seront faux : tant dans le domaine de l’infiniment petit que dans le domaine de l’infiniment grand, les mêmes lois nous régissent.

 

Nous remercions Claire de Ribaucourt pour cet article

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