Rencontres marquantes, interdisciplinarité et éthique : L’interview du Baron Dominique Lambert, entre sciences, philosophie et humanité !

Le Baron Dominique Lambert est docteur en sciences physiques et docteur en philosophie (UCLouvain) Membre de l’Académie royale de Belgique (classe des sciences), il est professeur ordinaire à l’Université de Namur (dans les Facultés des Sciences, de Philosophie et Lettres et de Droit). En histoire des Sciences, il est connu, au niveau international, pour avoir écrit la première biographie détaillée de Mgr Georges Lemaître, le père de la théorie du Big Bang. Il est connu également pour ses travaux (traduits en plusieurs langues) sur les relations entre les sciences et la théologie et sur l’éthique de la robotique, dans le domaine de la défense, un domaine de recherche, qui lui a valu d’intervenir comme expert à l’ONU à Genève.

Philippe de Potesta : Merci infiniment cher Professeur d’avoir accepté de venir à la rencontre des lecteurs de la Newsletter ! J’emploie expressément le mot "rencontre ", car il me permet de vous poser ma première question. En effet, j’ai l’impression qu’une grande partie de votre vie est conditionnée par des rencontres. Celles de Jean Ladrière et Georges Lemaître qui ont été très marquantes pour vous, celles de vos collègues philosophes et scientifiques, tout comme celles du public qui vient nombreux suivre vos brillantes conférences et enfin, presque en permanence, la rencontre avec la jeunesse par le biais de vos étudiantes et de vos étudiants ?

Domique Lambert : oui, ma carrière a été déterminée par des rencontres. À la suite de mes professeurs en Faculté des Sciences, Jean Ladrière a de fait profondément marqué mon parcours universitaire, non seulement par son immense culture philosophique et scientifique, mais aussi par sa profonde humanité. La rencontre d’auteurs, que mon grand-père paternel m’avait fait découvrir durant mon adolescence, a joué un rôle marquant dans mon itinéraire intellectuel. Mgr Georges Lemaître tout d’abord. J’ai eu la chance d’avoir, durant ma formation en physique théorique, des professeurs qui avaient été des anciens étudiants ou proches collaborateurs de l’illustre cosmologiste. Cela m’a beaucoup marqué ! La découverte d’archives concernant son itinéraire spirituel m’a naturellement conduit à écrire sa biographie. Le P. Teilhard de Chardin est l’autre grand auteur qui est devenu pour moi un sujet d’étude, stimulé par de belles rencontres avec des membres de la famille Teilhard et par les travaux de mes collègues jésuites de Belgique, de France ou de la Grégorienne à Rome, qui m’ont fait découvrir aussi les œuvres de Maurice Blondel et d’Henry de Lubac. Je ne peux oublier les rencontres stimulantes avec la famille du Chanoine Henry de Dorlodot, ce grand géologue et ami de Teilhard ! Je dois énormément à ces rencontres et je suis infiniment reconnaissant à toutes ces personnes. Je voudrais souligner ici aussi l’importance des discussions avec mes étudiants, qui ont réellement stimulé mes recherches sur ces grands auteurs, dont le fil conducteur est au fond un essai de compréhension de l’articulation entre la raison et la foi.

PP : J ’ai très régulièrement eu le plaisir et le grand intérêt de suivre des conférences ou des journées de colloques à l’Université de Namur. Il s’agit d’une initiative d’ouverture à l’extérieur accessible à tous sur inscription. Il s’agit de la chaire Notre-Dame de la Paix. Pouvez-vous nous en parler un peu, s’il vous plaît ?

DL : la chaire Notre-Dame de la Paix (cUNdp) est un centre de recherche associé à notre Institut de recherche en Philosophie de l’Université de Namur appelé ESPHIN. J’ai fondé cette chaire, il y a quelques années, lui donnant l’ancien nom de notre Université. J’entendais signifier ainsi la continuité avec la grande tradition des études jésuites, faisant se croiser les questions les plus brûlantes des sciences, des cultures et des sociétés contemporaines avec des interrogations fondamentales philosophiques et théologiques. C’est un esprit de dialogue ouvert et de partage des savoirs qui anime la chaire Notre-Dame de la Paix. Aujourd’hui, dans une société qui globalise en même temps qu’elle fragmente les connaissances, il importe de valoriser des rencontres profondément interdisciplinaires brisant les frontières entre les domaines, et manifestant les liens entre ce que les Anciens appelaient les "transcendantaux" : le Vrai, le Bien et le Beau.

PP : Vous êtes également un chercheur et un observateur attentif concernant deux sujets brûlants d’actualité ; les robots et l’intelligence artificielle. J’aimerais beaucoup que vous puissiez en faire un développement sur base de cette belle phrase de Jean d’Ormesson dans un hosanna sans fin : « Soumise à toutes les lois de la physique, de la chimie et de la mathématique, pur fruit du cerveau et d’une matière changée soudain en esprit, mystère aussi insondable que le temps, l’histoire, la vie ou l’univers lui-même, la pensée de ces créatures humaines, qui correspondent bizarrement entre elles et avec le monde autour d’elles, semble achever le cycle romanesque en trois volumes qui commence par le Big Bang, se poursuit avec la vie et se termine en beauté, dans le troisième et dernier tome, par le triomphe des hommes et de leur génie . »

DL : ce que vous citez évoque pour moi à la fois l’enracinement profond de l’humain dans l’histoire évolutive du cosmos et de la vie, mais aussi sa spécificité. Dans la « noosphère », celle de l’esprit, dont l’histoire fait l’objet de ce « troisième tome » dont parle d’Ormesson, l’évolution se poursuit de manière singulière aux plans de la culture, de la science, du droit, des institutions, où se tissent des liens étroits entre les personnes et les nations. Et il nous revient d’écrire cette histoire, en travaillant à ce que nos actions contribuent à resserrer ces liens, dans un esprit de justice et de fraternité, contribuant à l’édification et au respect de notre « maison commune » et à approfondir ce qui pourrait peut-être en fonder, « en haut et en-avant », la nécessité et le sens.

PP : Et enfin, cher Professeur, la période d’examens approchant ainsi que les futures inscriptions à l’Université, quel est le conseil que vous donneriez aux étudiant(e)s pour qu’ils intègrent mieux votre enseignement dans leur projet d’avenir ?

DL : le premier conseil que je donnerais est qu’ils choisissent d’abord leurs études en fonction de ce qu’ils aiment, de ce qui les intéresse et les motive le plus. Le deuxième est qu’ils ne perdent jamais de vue, en même temps qu’ils apprendront à maîtriser les techniques les plus avancées de leurs disciplines, qu’il est indispensable de maintenir une réflexion rigoureuse centrée sur les valeurs fondamentales qui font la dignité de la personne humaine. L’intelligence et le cœur doivent aller de pair, de même que la technique et l’éthique, la raison et les convictions… C’est d’ailleurs cela qui fait la spécificité de la grande et ancienne tradition universitaire.

PP : Il ne me reste plus qu’à vous remercier infiniment de nous avoir consacré de votre précieux temps en nous livrant vos brillantes et passionnantes réflexions ! Merci, cher Professeur.


Nous remercions Monsieur Philippe de Potesta pour la réalisation de cette interview.

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