Après un master à Solvay et en philosophie, Louis de Diesbach (31 ans) est consultant pour un grand cabinet de conseil en stratégie.
Il est également conférencier et chroniqueur.
Passionné par l’analyse des aspects sociétaux de la technologie, il publie en 2023 un premier livre « Liker sa servitude - Pourquoi acceptons-nous de nous soumettre au numérique » (FYP).
Son second ouvrage, préfacé par Luc de Brabandere et publié en mars 2024 (146 pages - Ed. Mardaga) est tout aussi passionnant.

Henry d’Anethan : Tu portes un regard critique sur notre comportement avec les technologies, avec les machines. Mais l’anthropomorphisme – attribuer des traits humains à des choses qui ne sont pas humaines, comme des phénomènes météorologiques, des voitures ou des poupées – n’est pas nouveau. Pourquoi ton inquiétude aujourd’hui ?

Louis de Diesbach : Notre volonté d’entrer en contact avec des objets, de leur prêter des intentions, de leur donner vie pour combler nos besoins, pour donner du sens, remonte en effet à la plus haute Antiquité.
Toutefois, avec les objets informatiques, en particulier l’IA et l’arrivée en 2022 de son agent conversationnel ChatGPT, nous changeons d’échelle. Son entrée fracassante dans notre quotidien doit nous inciter à repenser son impact dans nos vies et sur nos relations aux autres.
Les questions que je pose sont : Que se passe-t-il quand nous saluons la machine, quand nous disons « Bonjour ChatGPT », quand nous lui parlons comme nous parlons à nos semblables ? Pourquoi décidons-nous de nous adresser à des machines plutôt qu’à nos semblables ? Et quel projet de société se met en place ?

HdA : Il faut cependant rappeler les nombreux avantages de ChatGPT.

LdB : Je ne suis pas technophobe et mon intention n’est nullement de blâmer la recherche et l’innovation en IA, car il faut être conscient de la valeur de l’IA dans de nombreux domaines, comme dans les domaines environnemental ou médical, par exemple dans la détection de tumeurs.
Mais imagine-t-on une seconde que ce soit un robot qui annonce au malade le diagnostic ? Il ne faudrait pas que les machines prennent ici la place des humains

HdA : Tu insistes sur le fait que ces outils technologiques s’imposent malgré nous dans notre quotidien et qu’ils altèrent nos habitudes, nos rapports aux autres. Quelques exemples ?

LdB : C’est le cas avec les caisses automatiques qui remplacent le contact avec les caissières ; quand nous interagissons avec des chatbots ou des influenceurs virtuels (Ndlr : personnages numériques). Ces outils technologiques toujours plus invasifs sapent notre capacité d’empathie, cette compétence propre à l’humain et qui lui permet d’entrer en contact avec son semblable.

HdA : Des chefs d’entreprises, des personnalités, comme E. Musk ou Y. Harari, ont averti des dangers et demandé un moratoire sur les avancées de l’IA. Que penses-tu de leur démarche ?

LdB : Je trouve cette demande de six mois de pause dans les développements d’intelligences artificielles bien naïve. Ne soyons pas crédules : Ce moratoire se heurte à la dure réalité des affaires et …. de la politique. Les technologies d’aujourd’hui sont aussi des véhicules d’agenda politique et de puissance. Une nation - ou une entreprise - ne peut se permettre de prendre du retard, de peur de voir son hégémonie - ou sa position - remise en cause.
A cet égard, n’oublions pas que la technologie est fondamentalement politique, en d’autres termes la technologie est un moyen d’asseoir un projet de société. Un exemple : en Chine, TikTok n’a pas pour objectif de divertir la jeunesse comme chez nous, mais de l’éduquer …
De plus, le temps d’accès au réseau est limité.

HdA : Pour conclure, que conseilles-tu pour éviter la soumission à la machine et préserver l’authenticité de nos rapports à autrui ?

LdB : Cela passe par davantage d’éducation : il faut former à l’esprit critique et à l’éducation aux médias et à l’information dans les écoles.
Cela passe aussi par une réappropriation des outils technologiques à notre disposition. Enfin, il faut encourager la sobriété technologique ! Moins d’écrans, plus de contacts humains, car c’est le devenir de notre société, de notre savoir-vivre ensemble dans un monde numérique qui est en jeu.

Privilégions les discussions autour d’un café plutôt que par écrans interposés !

Louis est conférencier et chroniqueur, notamment pour La Libre Belgique et L’Écho, ainsi que pour le podcast "Trench Tech – Esprits Critiques pour Tech Éthique" https://trench-tech.fr/.


Interview réalisée par Henry d’Anethan – 05/23

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