Au tournant du siècle, les Nations Unies ont lancé les fameux "Objectifs du millénaire pour le développement", qui étaient principalement destinés à guider et à inspirer la communauté internationale dans la lutte contre la pauvreté et la faim.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Quinze ans plus tard, en 2015, un nouveau et très large programme a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a reçu le nom peu lyrique mais fort significatif de SDG’s (Sustainable Development Goals ; ODD : Objectifs de Développement Durable), également appelés Agenda 2030. D’ici-là, les objectifs, au nombre de 17, devraient être en grande partie réalisés. Avec une quinzaine de personnalités, la reine Mathilde a été choisie pour promouvoir ces ambitions tant au niveau national qu’au niveau mondial.

Le concept a déclenché une multitude de dynamiques. De nombreuses initiatives politiques et diplomatiques ne sont plus concevables ni crédibles si elles ne font pas référence à l’Agenda 2030. Pour la société civile, les organisations non gouvernementales, les syndicats, les porteurs de culture et les universités, le mantra de la durabilité fait partie intégrante de leurs programmes et projets. Le monde des affaires se pose en défenseur, voire en pionnier, de ce nouveau credo. Nos banquiers vantent les placements dans des fonds à finalité d’éco-développement. Nos médias ouvrent leurs colonnes et leurs studios aux réflexions et aux débats sur les nouvelles visions du développement.

J’ai entendu les fonctionnaires de l’ONU affirmer avec euphorie que l’organisation mondiale n’avait jamais été dotée d’un "narratif" aussi inspirant et mobilisateur. Les SDG et ODD sont "la nouvelle pensée", un nouveau fondement pour le développement, le lien parfait d’un nouvel ordre, sur lequel se sont fixés nos espoirs. La globalisation des dernières décennies n’a pu éviter la marginalisation et l’aliénation de vastes populations. Les ODD vont y remédier.

La conversion des esprits poursuit son cours. Le développement est considéré comme une entreprise inclusive, où personne ne devait être laissé pour compte, chaque citoyen devant se sentir impliqué.

De plus, les objectifs sont universels. La logique de la dynamique nord-sud est transcendée. Nous, occidentaux, avons (enfin) atteint le niveau de sagesse et d’humilité pour réaliser et accepter que nous sommes tous en développement.

D’ailleurs, les objectifs sont holistiques et transversaux : paix et sécurité, consolidation sociétale, droits humains, égalité, santé mentale, gestion de l’environnement et du climat, sont des valeurs et des objectifs intégrants qui nous concernent tous. L’un ne peut être dissocié de l’autre, les progrès sur un objectif requièrent de l’attention et des investissements simultanés pour de nombreux autres objectifs. L’approche dite "en silo" appartient au passé, ou presque.

La sensibilisation à ces modèles de comportement est primordiale. C’est ainsi qu’apparaît l’importance de l’éducation et de l’enseignement, de la santé et de la santé mentale en particulier : nous ne ferons de notre mieux que si nous sommes informés, instruits et formés, si nous avons la force physique et psychologique pour y mettre nos épaules et nos motivations.

À cela s’ajoutent deux autres considérations qui, à première vue, n’ont rien à voir l’une avec l’autre, mais qui, en réalité, qui se légitiment et se renforcent mutuellement.
La première réflexion est la suivante : nous pouvons échafauder les plus beaux projets et avoir les plus grandes ambitions, s’ils ne reposent pas sur des fondations solides et des institutions performantes, ils ne tiendront pas debout et ne produiront encore moins de résultats.

Faute d’investissement dans l’édification sociétale et le nation building, nos ambitions périront dans les sables mouvants.
De même, le développement personnel est un élément essentiel de la durabilité. Si l’individu ne peut ou ne veut se hisser à la hauteur de ce noble dessein, nous n’y parviendrons pas non plus.

« Les objectifs de développement durable », a déclaré l’avocate Sabine Denis lors de la récente conférence organisée au Sénat belge par l’association VIRA (Vereniging voor Internationale Relaties) sont nécessaires mais insuffisants pour conduire l’humanité à un développement global à long terme.

Nous devons considérer les ODD comme faisant partie d’un cadre plus large, un tremplin pour l’élaboration de politiques et d’initiatives qui ne visent pas seulement à cocher des objectifs, mais à changer fondamentalement notre façon de penser et d’agir en faveur de la durabilité". La recherche d’un avenir dans lequel le développement humain va de pair avec l’intégrité écologique n’est pas une tâche facile, a ajouté Denis. Selon elle, il importe qu’également notre for intérieur trouve la voie du changement durable. Les IDGs (Inner Development Goals) suggèrent des exercices et des pratiques de conscience visant à relever le défi fondamental d’un profond changement de notre pensée et de nos valeurs : écoute profonde, méditation, marche, mindfulness, prière, écriture, etc.

Le symposium de VIRA avait pour but de montrer comment les gouvernements et les entreprises aux niveaux belge, européen et mondial élaborent avec diligence des politiques de développement durable et s’évertuent à échanger de bonnes pratiques. Ici et là, ces efforts débouchent sur des résultats encourageants. La responsabilité sociale des entreprises et l’ESG (environnement, social, gouvernance) des opérations commerciales ne sont pas des paradigmes inconnus de nos entreprises. Dans les domaines de la biodiversité, de l’innovation technologique, de l’énergie renouvelable, de l’égalité des sexes et de la lutte contre la faim, par exemple, il ne fait aucun doute que des progrès ont été accomplis. Des initiatives méritoires sont également prises pour promouvoir la coopération et les partenariats internationaux.

La lutte contre la pauvreté, en revanche, est en recul. La qualité de l’eau est dans un état déplorable. En matière de politique climatique, nous sommes partout à la traîne, y compris en Belgique, comme vient de le calculer le Bureau du Plan. Dans de nombreux pays, l’offre et la qualité de l’enseignement diminuent considérablement. Les foyers de conflit armé se multiplient à nouveau, la confiance dans les institutions nationales et internationales s’effrite, les droits de l’homme sont bafoués dans de nombreux pays.
Au même symposium, Jan Vandemoortele, ancien haut fonctionnaire des Nations Unies, parlait sans ambages d’une situation préoccupante. Nous sommes confrontés à une "polycrise" dans laquelle des problèmes de nature très différente nous assaillent, nous obligeant souvent à prendre des mesures contradictoires par rapport aux objectifs de développement durable. La coopération internationale reste insuffisante, selon Vandemoortele, le multilatéralisme dégénère en "mini-latéralisme".
Même la connaissance et l’attrait des ODD sont en train de se dissiper. De nombreuses personnes instruites savent à peine à quoi correspond le sigle SDG ou ODD.

La tension entre l’écologie et l’économie reste difficile à gérer. Nous constatons souvent que dans nos propres pays, la recherche de la durabilité est vécue à deux niveaux d’expérience : le citoyen veut s’y engager, mais le consommateur fait un choix non-durable et cela, pour des raisons financières et économiques.

En outre, il y a la difficile question de la définition, de l’adéquation de la notion de croissance et sa répartition dans le corps de la nation.
Certains "pays en développement" ne paraissent guère des adeptes enthousiastes des ODD parce qu’ils refusent d’être privés de croissance économique, alors que le Nord développé est parvenu, depuis longtemps et de manière presqu’illimitée, à s’approprier les opportunités de croissance.

Dans la société occidentale, les entreprises, grandes ou petites, sont des entités structurées qui s’efforcent généralement de suivre les règles ou du moins prétendent le faire. Au niveau mondial, de nombreuses entreprises sont dans le circuit informel où la règle principale est de survivre par tous les moyens.

Il nous reste donc beaucoup à faire. Le fait que nous commencions à en prendre conscience est déjà une bonne chose. Si nous voulons que les 17 SDGs soient largement réalisés d’ici 2030, nous devons changer de paradigme et adapter notre vision anthropocentrique du monde. L’homme ne peut pas utiliser ou consommer la nature - ni ses semblables - pour atteindre la prospérité. Aujourd’hui, le fossé entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand. La limite de 1,5°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle est déjà atteinte, la confiance dans les institutions nationales et internationales est fortement ébranlée et l’homme a déjà détruit 65 % de la biodiversité de la Terre. Même si nous saluons les efforts de restauration, nous devons continuer à nous convaincre de la nécessité d’un nouveau comportement et avant tout d’un nouvel état d’esprit.

C’est ainsi également que nous nous autoriserons à percevoir les germes de nouveaux développements, porteurs d’espoir. Les objectifs de développement durable seront une source d’inspiration et une orientation digne de l’air d’un temps qui ne permettra pas un retour en arrière.

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Baron Johan Swinnen
Ambassadeur honoraire

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